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TROIS GUERRES… UN MONUMENT AUX MORTS Retour sommaire |
Ne l’oublions pas ce XXème siècle c’est aussi, pour Turny, les déchirements familiaux à la suite des deux guerres mondiales et de la guerre d’Algérie. Des drames, qui tour à tour ont endeuillé la commune en faisant au total plus de trente tués.
a) La première guerre mondiale
Aucune allusion n’en est faite dans le registre du conseil municipal, une sorte de résignation. Il ne reste donc pas un témoignage de ces moments difficiles pour la commune où tous les hommes mobilisés avaient laissé aux femmes le soin d’assurer le travail des champs.
Le jour de l’Armistice, le 11 novembre 1918, dans la liesse de la victoire et de la fin de ce cauchemar, un Turrois est allé frapper la cloche avec un marteau et brisa celle-ci (1).
En 1919, première année de paix revenue, la plaie ouverte par quatre années de conflit ne se referme pas. Chacun mesure l’ampleur du drame communal qui vient de s’achever. Vingt six jeunes de la commune ont été tués.
A l’église, un document énonce les noms de trente et une victimes ( vingt et un tués, six disparus et quatre autres jeunes originaires de Turny de par leur famille).
Dans un Turny agricole à 90%, des familles entières, parents, veuves, orphelins sont dans le désarroi.
C’est dans ce contexte que, quelques mois avant le premier anniversaire de l’Armistice, lors de la réunion du 31 août 1919, le conseil municipal présidé par Emile PESCHEUX décide le principe de la construction d’un monument aux morts.
b) Construction du monument aux morts
A l’origine, le monument aux morts devait être érigé sur la place communale. Mais ce projet municipal qui faisait certes l’unanimité dans son principe, suscitait de nombreux désaccords quant à la dimension et l’ampleur qu’il fallait lui accorder. Son financement ainsi que le choix du lieu de son implantation divisaient également les Turrois.
Un projet encore trop proche de l’événement et qui demandait un certain recul et une évidente réflexion.
Ce n’est que le 5 juin 1921, après une souscription auprès des habitants qui dépassera toutes les espérances, que la décision définitive ainsi que le choix du monument et de son emplacement seront définitivement arrêtés par la municipalité présidée alors par le Maire Onésime CORGERON.
En décidant son édification entre les deux écoles, les élus voulurent que toutes les générations d’enfants, passant chaque jour devant ce monument, n’oublient jamais que ce conflit meurtrier avait existé.
Ce monument est construit en granit des Vosges sur fondation en portland. Sa hauteur est de 3,55 mètres. Le coq de bronze chantant, symbole d’une 3ème République triomphante, mesure 0,70 mètre.
La palme de bronze, d’une longueur de 1,25 mètre, rappelle l’insigne de bronze en forme de branche de laurier portée sur le ruban des croix de guerre dont étaient décorés les poilus.
Le conseil municipal décida également de faire graver les noms des victimes des guerres de 1870 et de 1914-1918. Ces élus ne savaient pas qu’avant la fin de ce siècle, avec d’autres conflits, viendraient s’ajouter d’autres noms.
L’inauguration a eu lieu le 1er octobre 1922 sous la présidence de Monsieur DUCOMBEAU, Conseiller de Préfecture.
Aujourd’hui sur le corps du monument est gravé, en lettres d’or, le nom des victimes des quatre dernières guerres, ainsi que cette phrase :
1870-1875 : 05 morts
1914-1918 : 26 morts (source monument) ; 31 morts (source document église) Pour voir les fiches des soldats tués cliquez
1939-1945 : 03 morts
1961 Algérie : 01 mort
Nom Prénom Guerre Date décés Lieu Circonstances ALUISON Lucien 1914-1918 21 juin 1915 Heuville St Vanst Tué à l'ennemi BERNOLLE Paul-Emile 1914-1918 04 déc. 1914 combat de la thalade (meuse) Tué à l'ennemi BOCQUEL Donatien 1914-1918 12 juin 1916 Souville (meuse) Tué à l'ennemi BOISSEAU Désiré 1870-1871 BONAVENTURE Camille 1914-1918 5 fév. 1918 Michelbach (alsace) Tué à l'ennemi CASSEMICHE Pierre Algérie 17 mai 1961 Maillot (Algérie) Blessures de guerre CHABARD André 1914-1918 30 mai 1918 Bligny (marne) Tué à l'ennemi CHARLOIS Paul 1914-1918 25 avril 1916 Pontavert (Aisne) Tué à l'ennemi CHAUME Aimé 1939-1945 CHEREST Alix 1870-1871 COLLON Alfred 1939-1945 CORGERON Armand 1914-1918 27 sept. 1915 La dormoise (Marne) Disparu CORGERON Léo 1914-1918 28 fév. 1915 Vauquois (Meuse) Tué à l'ennemi COUILLARD Ernest 1914-1918 22 oct. 1914 Meuvireuil (Pas de Calais Tué à l'ennemi COUILLARD Gaston 1914-1918 29 nov 1918 L'hopital complémentaire LE REY Tuberculose pulmonaire DELIGNE Charles 1914-1918 4 nov. 1918 Etraux (Aisne) Tué à l'ennemi DEVILLIERS Léopold 1870-1871 DUCROT Henri 1914-1918 11 mars 1915 Morsin (pas de Calais) Blessures de guerre JOSSOT Albert 1914-1918 27 sept. 1914 La Bhayatte (Somme) Tué à l'ennemi LECHAIN Marcel 1914-1918 25 sept. 1915 Massigs (Marne) Tué à l'ennemi MAILLOT Sosthène 1870-1871 MARTIN Maxime 1914-1918 11 oct. 1914 Clermont en Argonne ( Meuse) Blessures de guerre MILLOT Armand 1914-1918 16 nov. 1914 La ferme de Lormont (Vitrimont Tué à l'ennemi NASLOT Onésime 1870-1871 PAILLERY Maurice 1914-1918 6 juillet 1916 A Blessures de guerre PESCHEUX Emile 1914-1918 19 sept. 1915 Ambulance de Berray (Pas de Calais) Blessures de guerre PIERROT Auguste 1914-1918 POURCHER Auguste 1914-1918 11 nov. 1914 Crouy (Aisne) Tué à l'ennemi ROY Marius 1914-1918 4 mars 1915 Notre dame de Lorette prés Bouvigny Tué à l'ennemi TARDY Auguste 1914-1918 2 avril 1916 Bois de la Caillette (Meuse) Tué à l'ennemi THIERRY Camille 1914-1918 27 février 1917 A L'hôpital de Clermont Ferrand Blessures de Guerre TRIBAUDAUT Julien 1914-1918 5 déc. 1917 Au sud de Juvincourt (Aisne) Tué à l'ennemi TRYBOU André 1939-1945 VIAULT Maurice 1914-1918 9 mai 1917 Hôpital temporaire 38 à Molesmes (Sarthes) Blessures de guerre VILLAIN Irénée 1914-1918
Ce monument est désormais le lieu de commémoration de la commune. Chaque année le Maire de Turny, comme tous les Maires de France et à l’invitation du Préfet de l’Yonne, lit les 8 mai et 11 novembre un message de Monsieur le Ministre des anciens combattants, en souvenir de la fin des conflits mondiaux de ce XXème siècle. Vers la fin des années 1980, à l'initiative de l'association des Amis du Patrimoine et du Site de Turny, ce monument a fait l'objet d'une restauration
Durant toutes les années qui suivirent, depuis son édification jusqu’à la fin des années 1980, les enfants des écoles étaient associés à ces cérémonies et chacun d’entre eux apportait une gerbe de fleurs soigneusement confectionnée par les parents.
En 1998, soit 80 ans après l’armistice de la 1er guerre mondiale, ce n’est plus la tradition. Il n’existe plus de poilus à Turny. Seuls quelques anciens combattants ayant connu le dernier conflit mondial ou ayant participé à la guerre d’Algérie viennent se recueillir ces jours de célébration.
Ci dessus commémoration du 8 mai 1945 (Raoul DUBOIS 1975)
Commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918
Discours, dépôt d’une gerbe et minute de silence
(photographie novembre 1985)
1er plan : M. A. BROUSSEAU Maire et Mme G. CORGERON 1er Adjoint, à gauche : Lucien MOREAU
1970 Le maire et les pompiers de Turny se recueillent
Ci-dessus extrait du bulletin municipal d'avril 2001 (Municipalité M.C HENNON)
ci-dessus extrait du bulletin municipal de juin 2001
Décision de principe de la construction d’un monument aux morts, le 31 août 1919, sous la municipalité de PESCHEUX Emile.
Esquisse de ce monument au morts conçu et accepté par délibération du 05 juin 1921, sous la municipalité de CORGERON Onésime.
Le monument a été réalisé par la marbrerie A PLANSON de St Florentin
Inauguration de ce monument le 1er octobre 1922.
Durant toute la deuxième guerre mondiale, les allemands avaient un poste de surveillance à Turny.
Le café actuel servait de prison, et le drapeau à croix gammée flottait à la Mairie.
Sans doute en raison du peu d’intérêt que représentait ce poste allemand, aucune altercation importante n’a eu lieu à Turny.
Toute la guerre s’est passée dans un calme relatif, si l’on compare avec d’autres communes comme Chailley, par exemple, où il y eut des prises d’otages.
La résistance à Turny était donc quasi inexistante même si certains habitants révéleront plus tard avoir été, soit-disant, de grands résistants.
Le livre de R. BAILLY,, (Occupation hitlérienne et résistance dans le Yonne - ANACR Yonne), lequel fait notamment un inventaire complet des foyers de résistance dans l’Yonne ne mentionne pas d’interventions sur Turny.
Le travail de ce Monsieur BAILLY, qui n’est pas avare de noms, ne cite pas non plus l’identité de Turrois qui auraient été actifs dans les maquis environnants.
Relatons cet extrait du livre de Monsieur Bailly Occupation hitlérienne et résistance dans le Yonne - ANACR Yonne P.323 ) où c’est la seule fois qu’il est fait allusion à la région de Turny.
« Près de Turny, la voiture des résistants tomba sur un barrage allemand qu’ils voulurent forcer. Le véhicule criblé de balles doit être évacué en catastrophe avec un blessé grave... »
Trois appelés furent tués au début du conflit. Les noms de seulement deux de ces soldats figurent à l’église.
Témoignage de Me MOREAU Simone
En juin 1940, un soldat français s’était posté au Bas Turny près du pont du ruisseau de Linant, se protégeant dans une cantinière militaire hors d’usage et abandonnée lors de la débâcle.
Ce militaire tenta à lui seul d’arrêter les allemands qui arrivaient depuis Turny.
Rapidement, il fut tué par l’ennemi et son corps resta plusieurs jours abandonné dans un champs cultivé de pommes de terres situé actuellement au n° 9 route de la brumance.
Sans doute par crainte des allemands, personne n’osa l’inhumer et c’est un allemand qui accomplit cette tâche sur le lieu où il avait été tué.
Plus tard, le corps fut relevé et ramené au cimetière de Turny.
Après la libération, le soldat fut exhumé une nouvelle fois et ramené à Chambéry d’où il était originaire.
Il convient aussi de relever que le 27 août 1944 un résistant F.F. I ; jean Louis BERNELIERE, originaire de FRANCONVILLE (95130) a été tué à Turny dans des circonstances indéterminées. Ce témoignage est référencé "bp-438515" figure dans une fiche du memorial-genweb.org Plaque commémorative et carré militaire
L'yonne Républicaine Août 2003
Texte rédigé à partir du témoignage recueilli par P. MOREAU le 1er mai 1994 auprés de Madame et Monsieur CASSEMICHE Jean.
Sans doute parce qu'il s'agissait d’une guerre coloniale, la mort du jeune Pierre CASSEMICHE eut un retentissement particulier dans la population locale.
Elle a provoqué chez les habitants une indignation unanime et une solidarité totale auprès de la famille.
Ce événement que l'on peut qualifié de "drame communal" a profondément affecté toute une population qui ne se sentait pas jusque-là vraiment concernée par cette guerre lointaine.
A Turny, la mort de Pierre CASSMICHE est devenue une sorte de symbole. Le symbole de l'absurdité des guerres.
Le Brigadier Pierre Armand Léon CASSEMICHE né le 26 août 1939 allait avoir 22 ans et venait de commencer ses études de chirurgien dentiste.
Il avait, depuis quatre semaines, rejoint la caserne située dans la commune de MAILLOT en Algérie, Département de TIZI-OUZOU, Arrondissement de BOUTRA après une préparation militaire de six mois à MELUN.
MAILLOT a été rebaptisé depuis l'indépendance M'CHEDDALLAH et compte, en 1994, environ 30100 habitants.
Simplement appelé sous les drapeaux pour accomplir son service militaire, il n’avait jamais été volontaire pour participer à cette guerre.
Le 17 mai 1961, son lieutenant organisa une sortie dans le Djebel avec une dizaine d'hommes.
Officiellement, c'est à l'occasion d'un accrochage avec l'ennemi au cours de cette sortie que Pierre CASSEMICHE trouva la mort.
Les circonstances exactes furent connues plus tard, après enquête d'un ami de Monsieur CASSEMICHE exerçant dans la magistrature.
L'équipe de soldats français poursuivait un fellaga qui avait fait feu sur la troupe et qui s’était réfugié dans le lit d'un oued.
L'un des français lança une grenade en direction de l'ennemi et Pierre CASSEMICHE fut grièvement blessé à la tête par un éclat de cette explosion.
Il mourut quelques heures plus tard sans que rien, sur le plan chirurgical, ne puisse être réellement tenté.
Madame et Monsieur CASSEMICHE se rendirent immédiatement à ALGER auprès de leur fils décédé.
Si l'accueil par les compagnons de Pierre fut attentionné, les époux CASSEMICHE décrivent la salle où reposait le corps du défunt comme n'étant pas entretenue, avec des cafards sur les murs et le drapeau tricolore recouvrant le cercueil souillé de tâches grasses.
Des obsèques militaires provisoires eurent lieu en Algérie dans l'attente du rapatriement.
Madame et Monsieur CASSEMICHE durent prendre à leur charge le coût de leur transport pour le retour en France.
C'est seulement le 13 juin 1961 que le corps fut rapatrié.
Lors des obsèques à TURNY, les époux CASSEMICHE refusèrent les médailles données à titre posthume.
Ils firent retirer les rubans tricolores sur toutes les gerbes de fleurs, ainsi que le drap tricolore qui couvrait le cercueil.
Raoul DUBOIS Maire de Turny, ainsi que le représentant du Préfet dont les discours avaient également été refusés par la famille, ne manifestèrent pas officiellement leur désapprobation même si, à mots couverts, Madame et Monsieur CASSSEMICHE furent qualifiés de communistes.
Seul un cousin des époux CASSEMICHE, Michel GAUTHIER, prononça un discours hostile à cette guerre et aux responsables qui faisaient massacrer les jeunes innocents.
Ce texte de M. GAUTHIER n'a pas été conservé et aucun article de presse relatif à ce drame n'a pu être retrouvé.
Les années qui suivront ce drame seront marquées par de nombreuses cérémonies à la mémoire du défunt, et toutes souligneront cet aspect sordide de la guerre d'Algérie et des guerres en général.
Toutes les générations d'enfants de la commune, de 1961 à 1974, ont été vivement sensibilisées à ce drame par l'instituteur Mr ROLLAND ainsi que par la Municipalité.
Chaque année, à la date anniversaire de sa mort, les élèves de toutes les classes du primaire se rendaient à pied, depuis l'école, en rang par deux, bouquet de fleurs au bras sur la tombe du défunt.
Le 14 juillet était marqué chaque année par une cérémonie souvenir très émouvante, organisée par l'instituteur L. ROLLAND et le Maire R. DUBOIS, en présence des parents de Pierre CASSEMICHE et des Turrois, dans la salle de réunion du conseil municipal.
Ce rappel à la mémoire du défunt, se terminait par une distribution de jouets voulue par Madame et Monsieur CASSEMICHE à tous les jeunes enfants de la commune.
Enfin les traditionnels 8 mai et 11 novembre donnaient l'occasion au Maire de rappeler que Pierre CASSEMICHE, enfant de Turny, était "Mort pour la France".
Les parents de Pierre, en proie à une douleur extrême, ont vu depuis ce jour de mai 1961 toute leur vie détruite.
Trente trois ans après, ils se demandent toujours à quoi cela a-t-il servi.
Dans le registre du conseil municipal de Turny, aucune ligne ne mentionne ce traumatisme du village.
Seules deux délibérations des 17 février 1960 et 30 août 1961, octroyant à chaque appelé en Algérie un mandat d’une valeur de 30 F, rappellent que les jeunes gens de Turny, aussi, sont allés là-bas.
Carte postale fin des années 1950
Le monument après le dépôt de gerbe du 11 novembre 1985
Les noms des victimes de la 1ère et de la 2ème guerre mondiale.
Document église de Turny ( Photos 1988)
Les noms des victimes des conflits sur le monument aux morts ( Photos 1997)